Cléopâtre : La gestion des alliances et de l’image publique

Le management, loin de se limiter aux théories modernes – merci Weber – ou aux outils digitaux – merci Sullivan et Mike Muhney – trouve une bonne partie de son inspiration dans l’histoire, dans les défis qu’ont rencontrés les dirigeants d’hier, mais aussi et surtout à des endroits où on s’y attend certainement un peu moins… dans les mythes et légendes, les contes pour enfants, les grandes familles, les clubs de sports. Et cetera.

Dans cette série d’articles, nous plongeons dans des périodes historiques, des secteurs atypiques et des figures emblématiques pour extraire des principes intemporels de management. Leurs expériences nous offrent une mine d’enseignements pratiques, souvent ignorés, mais incroyablement puissants.

Cléopâtre VII, dernière reine active d’Égypte, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire grâce à sa maîtrise de l’art du leadership. À une époque où son royaume était en péril face à l’expansion romaine, elle a su jongler avec les alliances, manipuler les perceptions et imposer son pouvoir d’une main de fer… dans un gant de velours. 

Une gestion habile de l’image, une diplomatie de façade et un flair pour l’intelligence stratégique. Rien, strictement rien n’a été laissé au hasard. 

Et ces compétences, souvent oubliées ou minimisées, parce que femme… parce que tout cela s’est produit il y a plus de 2000 ans… sont pourtant une mine d’or pour le manager d’aujourd’hui. Car Cléopâtre, en chef d’État moderne avant l’heure, savait que le pouvoir ne réside pas dans les forces militaires – bien que cela puisse aider – mais dans la gestion de ses relations, l’image qu’on renvoie et la souplesse avec laquelle on adapte sa stratégie.

Maîtriser les alliances stratégiques : un art managérial

Cléopâtre n’était pas seulement une reine d’Égypte. Elle était une chef d’État, calculatrice et stratégique. Et dans son cas, il ne s’agissait pas de défauts. Certainement pas.

L’une de ses premières grandes manœuvres diplomatiques a été de se rapprocher de Jules César, une décision audacieuse, courageuse, voire inconsidérée aux yeux de certains, à une époque où la moindre erreur pouvait signer la fin d’une dynastie. César, à l’apogée de son pouvoir, représentait une menace, certes, mais surtout une opportunité, bien plus que cela même, un allié politique de premier choix pour l’Égypte. Il était, à vrai dire, l’élément clé de sa survie. Et Cléopâtre, en parfaite défenderesse de son royaume n’a pas hésité une seule seconde à s’en saisir.

Elle a orchestré leur alliance de A à Z en gardant les objectifs de cette dernière en ligne de mire : sauver l’Egypte, préserver sa grandeur. Peut-être avait-elle peur, peut-être avait-elle des doutes, mais elle n’a pas reculé, elle ne s’est pas laissée impressionner. En tant que reine d’Égypte, garante de la survie de son royaume, elle ne pouvait pas se le permettre.

La leçon pour le manager ? Choisir ses partenaires stratégiques n’est pas seulement une question de complémentarité, d’envie, mais de timing, de culot et surtout de finesse. Comme Cléopâtre avec César, tout manager doit savoir saisir les opportunités, les transformer en action, pour construire des relations solides, même dans les moments où l’incertitude domine. Et surtout… un leader ne s’impose pas, il se fait désirer…

L'art de gérer son image : l’auto-affirmation du pouvoir managérial

…Cléopâtre avant tout le monde l’avait bien compris : l’image est tout.

Elle maîtrisait cet art subtil où chaque geste, chaque rencontre est une occasion de réaffirmer son autorité. Preuve à l’appui… Lors de sa première rencontre avec César, elle s’est fait livrer dans un tapis, qu’elle a fait dérouler à ses pieds… Quelle entrée ! Quel spectacle ! Imaginez un peu la scène… En agissant ainsi, elle a créé un impact immédiat.

Dans un contexte de management, cela s’apparente à l’arrivée d’un nouveau leader dans une entreprise. Évidemment, l’idée n’est pas de reproduire la scène du tapis, ça ne fonctionnerait pas, quoi que. Mais de se faire entendre, voir, connaître, respecter, et caetera.

L’objectif véritable d’une telle action ? S’imposer immédiatement. Il ne s’agit pas d’écraser les autres, mais de forger une image qui inspire respect et crédibilité. En adoptant une posture de force et en maîtrisant les codes sociaux de ceux chez qui il arrive, un manager peut naviguer efficacement dans l’entreprise, gagner la confiance de ses équipes et imposer sa vision. Attention tout de même à apporter de la nuance. Il ne s’agit pas de tout casser, simplement d’affirmer sa présence de manière efficace.

Utiliser la psychologie pour gouverner : gestion des perceptions et des émotions

La gestion des perceptions et des émotions a été le terrain de jeu de Cléopâtre. On encense César à ce sujet, mais Cléopâtre… Cléopâtre, qui pourtant n’avait pas l’avantage, dans tous les sens du terme, a su accomplir un prodige grâce à ses qualités intellectuelles.

Elle n’a jamais agi par simple calcul politique, elle. Non, cette Reine-pharaon, rien que ça, savait pertinemment que l’émotion était un levier plus puissant que la raison dans la prise de décision. Le calcul c’est bien, les émotions c’est mieux.

Et il n’y a qu’à lire la suite de l’histoire pour s’en rendre compte. Après la mort de César, Marc Antoine se trouve dans une position délicate : il est tiraillé entre ses ambitions et ses relations politiques. Cléopâtre, habilement, flatte son ego, le convainc qu’il est le véritable héritier de la grandeur romaine. Elle ne lui dit pas ce qu’il veut entendre, mais elle lui fait sentir qu’il est essentiel à l’avenir de l’Empire. Elle sait que ce n’est pas l’argumentation froide qui l’emporte, mais la capacité à attiser des émotions puissantes. En jouant sur ces leviers psychologiques, elle parvient à transformer un potentiel allié en un soutien indéfectible. Brillant.

Pour le manager moderne, cette approche est plus qu’intéressante. Comprendre et gérer les émotions est essentiel pour mobiliser ses équipes, influencer des partenaires ou même négocier des contrats. Un leader qui comprend les enjeux émotionnels de ses collaborateurs peut plus facilement désamorcer les conflits, susciter l’adhésion et orienter l’action.

L’intelligence stratégique : l’adaptation et la flexibilité

Cléopâtre avait bien des qualités, parmi elles, une en particulier a fait d’elle une figure incontournable de l’histoire des leaders de ce monde. Laquelle ? Eh bien, elle n’était pas une reine qui s’accrochait à des positions fixes. Un défaut donc ? Certainement pas. En fait, Cléopâtre savait que le monde autour d’elle bougeait, et qu’elle devait constamment ajuster sa stratégie en fonction des nouvelles dynamiques. Lors de la guerre civile romaine, elle choisit de s’allier à César, non pas par loyauté aveugle, quelle idée, mais par un pragmatisme finement calculé. Elle savait que sa position en Égypte était fragile et qu’un mauvais choix pourrait lui être fatal, à elle et à l’Egypte. Elle s’adapte, se montre souple, prête à changer de direction au besoin. Une stratégie payante.

Après l’assassinat de César, elle ne reste pas figée dans une loyauté passée, mais elle ajuste son tir en s’alliant à Marc Antoine. Là encore, elle savait que la situation géopolitique avait évolué, et avec elle, ses alliances devaient aussi se transformer. Cette capacité à pivoter, à se réinventer sans jamais perdre de vue son objectif final, est définitivement l’une des clés de son succès. Cléopâtre ne s’attarde pas sur les pertes, elle exploite les nouvelles opportunités. C’est rude, mais c’est efficace.

Pour un manager, cette flexibilité est essentielle. La stratégie peut changer à tout moment, les circonstances peuvent basculer en un instant. Le manager doit être prêt à adapter son approche, à saisir les nouvelles chances et à ne pas s’enfermer dans une vision figée.

Cléopâtre, bien plus qu’une reine, fut une grande manager, habile dans l’art des alliances, de la gestion de l’image et de la psychologie. Ses méthodes de gouvernance, fondées sur une écoute attentive, une manipulation subtile des relations et une flexibilité constante, restent aujourd’hui des modèles précieux pour les leaders de tous horizons.

À l’instar des dirigeants modernes, elle a su comprendre que le pouvoir ne réside pas seulement dans les actions, mais aussi dans la capacité à gérer les perceptions de ceux avec qui elle faisait équipe, à construire des alliances et à savoir adapter sa vision. Son exemple nous rappelle que le management moderne peut trouver une grande partie de son inspiration dans les stratégies millénaires de ceux qui ont su allier vision, politique et pragmatisme.

À travers ces explorations, il devient évident que le management ne se résume pas à une simple application de méthodes. Rémi Juët et Henry Laurence Gantt, eux-mêmes, seraient très certainement d’accord avec cette idée. Le management c’est plus que ça, c’est bien plus qu’un diagramme ou un tableau de bord.

Il s’agit avant tout de s’inspirer des grandes figures, des événements et des périodes de l’histoire pour en tirer des leçons universelles. Que ce soit à travers la stratégie militaire, les grandes transformations industrielles ou les dynamiques de groupes dans le sport, chaque contexte nous invite à repenser le management.

Sans histoire(s), sans sociologie ou philosophie, il n’existe pas de management.

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